La nature des tests

Nous parlions dans le volet 1 de cette série d’articles sur les tests des difficultés d’interprétation d’un profil hétérogène, donc sans QIT (Quotient Intellectuel Total) calculable. Certains psychologues cliniciens n’en tiennent pas forcément compte, ou bien adoptent un système de calcul adapté à cette hétérogénéité, mais sans suffisamment l’expliquer à la personne testée, qui après coup, mieux informée, ne sait plus à quoi s’en remettre.

Il est bon de le savoir, afin de pouvoir poser la question au praticien qui saura alors qu’il peut entrer dans le détail, qu’il a un interlocuteur averti.

Incidence de l’hétérogénéité

Cette question est importante, il existe des forums de personnes à haut potentiels qui exigent un WAIS III ou un WISC IV ayant validé ce fameux QIT 130[1], et l’on peut s’en retrouver exclu pour cause de profil non calculable, alors même que l’on aurait besoin de pouvoir échanger.

Que dire de ceux qui proposent eux-mêmes des tests auxquels on peut échouer pour ces raisons, alors même que l’on est effectivement surdoué ?

On comprend mieux le désarroi exprimé par de nombreuses personnes à haut potentiel par rapport aux tests. En effet, ils sentent que quelque chose ne va pas, que tout cela est faussé, tronqué, biaisé. Beaucoup sombrent encore plus.

Il semblerait pertinent dès lors qu’un examen psychologique indépendant des tests mais apte à reconnaître entre autres la pensée « arborescente », l’acuité particulière des six sens (en comptant l’intuition), l’intolérance à l’injustice, la soif de savoir, la pensée flash, etc. et toute autre particularité de fonctionnement soit systématiquement pratiqué et que ce soit pris en charge à au moins 60% par la sécurité sociale[2].

Ainsi s’exprime Sylvie Tordjman citée par Madame Pereira :

C’est pourtant ce que bon nombre d’observations nous révèlent. Il apparaît alors nécessaire dans ce contexte de permettre à tous les enfants concernés d’accéder à un dépistage précoce et aux soins dispensés par un service public, afin qu’ils puissent sortir de leurs difficultés. C’est dans cette perspective que nous avons ouvert depuis le 1er décembre 2005 à Rennes le premier Centre National d’Aide aux enfants et adolescents à Haut Potentiel (CNAHP)[3].

 

En effet, l’intelligence suffit-elle à définir le surdouement ? Parmi les spécialistes interviewés sur ce site, presque tous disent que non.

Il peut y avoir des non-surdoués, donc au fonctionnement cognitif dans la norme, mais intelligents au point d’être confondus avec des surdoués très brillants dans un domaine donné (mais hélas pas tous).

Il est important de travailler sur ces notions, car on rencontre encore trop souvent des opinions inébranlables à ce sujet dans l’inconscient collectif : un surdoué est un petit génie, premier de la classe et dans toutes les matières, qui réussit partout.

Ces opinions erronées sont inlassablement relayées par une presse ignare mais avide de nouvelles à sensations qui n’interrogent jamais ou presque les personnes réellement compétentes sur le sujet. Ou alors en leur coupant la parole, en biaisant les réponses afin de recadrer le sujet selon l’idée que le bon peuple s’en fait.

C’est ainsi que la France a une horrible réputation de nation à la traîne sur ces questions dans presque tous les pays où l’on se montre plus évolué. Or, un enfant au fonctionnement cognitif dans la norme mais brillant peut souffrir de la proposition d’un saut de classe malavisé. Alors qu’un surdoué y trouvera souvent un réel bénéfice. On augmentera les angoisses du premier, on soulagera considérablement celles du second.

Un cerveau structurellement atypique

Madame Pereira da Costa[4] a évoqué dans son interview la différence entre enfant à haut potentiel et enfant intellectuellement précoce c’est-à-dire en avance par rapport aux autres sur le plan scolaire.

Ce qui conduit naturellement à l’idée qu’il faut donc aussi tenir compte des caractéristiques liées à la pensée en arborescence[5] et à l’hyper-cognition comme l’hypersensitivité, l’hyperémotivité, et toutes connexions que le cerveau impose en surnombre du fait de la multiplication de ses connexions[6].

Etre surdoué c’est plus structurel qu’autre chose, le cerveau n’est pas fait pareil, il ne comporte pas le même nombre de neurones et les synapses ont un mode  de connexion particulier. Il peut même arriver que cet excès de connexions neuronales se fasse dans le désordre et que des surdoués soient atteints de synesthésie par exemple, c’est-à-dire de la faculté de connecter plusieurs sens entre eux[7].

Il serait vraiment particulièrement indiqué que l’on puisse baisser les coûts de l’imagerie médicale pour définir la douance par rapport à un fonctionnement structurel, et commencer par passer une IRM(Imagerie par Résonance Magnétique). Une IRM n’aurait-il pas cloué le bec à l’évidente mauvaise foi de cette CPE citée plus haut (voir le volet 2, les tests et l’école) ?

Quoiqu’il en soit, et faute d’un cliché médical coûteux, il faudrait que le test de QI soit systématiquement accompagné d’un questionnaire lié à la personnalité[8], car les surdoués ont un mode de fonctionnement, des centres d’intérêts, de sujets de préoccupation et une manière d’être au monde assez généralement partagé.

 

Les profils

C’est dans ce cadre d’un mode d’étude de soi plus élargi qu’avec le seul QI que nous avons été amenés sur ce site à présenter le centre Psyrène[9], lors de l’interview de sa directrice Fanny Nusbaum.

Madame Nusbaum s’est longuement exprimée sur la théorie des profils à haut potentiel laminaire et complexe qui font actuellement l’objet d’une étude clinique sur Lyon à l’aide d’une IRM (Imagerie par Résonance Magnétique)fonctionnel, conduite par Olivier Revol, Pierre Fourneret et elle-même.

Il apparaît que ces deux notions, qui aident pourtant de nombreux surdoués à appréhender la complexité de leur personnalité avec un peu plus de détails, n’est pas encore validée par la communauté scientifique[10].

Pourtant nombreux sont ceux qui se les sont appropriés et qui raisonnent à l’aune de ces nouvelles notions de mesure de l’intelligence (profils laminaires et complexes, chercher les fils de discussion sur les forums dédiés, c’est éloquent !).

Cet engouement est le reflet de l’incompréhension des personnes à haut potentiel face à des tests arbitraires qui ne reflètent pas la réalité de leur complexité mentale. Ils ne s’y retrouvent pas. De plus, l’accent a tellement été porté dans la littérature consacrée (du moins en France) sur la souffrance sociétale des surdoués que ceux qui sont bien intégrés se disent automatiquement : « ah ! je dois être laminaire », sous-entendu normo-pensant très intelligent, alors que non, ils sont surdoués mais ayant grandi dans de bonnes conditions. Mme Nusbaum précise bien d’ailleurs qu’une telle façon d eraisonner est eronnée et que les deux profils sont à ranger dans les haut potentiels.

Ou pire :  » je vais bien, donc je suis un zèbre sur-adapté donc je m’automutile, mais qui suis-je ? »

Ils le ressentent avec une acuité particulière parce que leur type d’esprit est formaté pour détecter les raisonnements faussés.

C’est pourquoi ce que nous dit Fanny Nusbaum à propos des tests nous paraît si important : le test seul ne détermine pas le haut potentiel[11]. Le centre Psyrène a donc d’ores et déjà intégré que le haut potentiel se détermine par des facteurs annexes et que l’on peut le reconnaître même en l’absence de WISC ! Puissent ces démarches se généraliser, dans le respect de la personnalité de chacun…

Valérie Lafont

[1] http://www.mensa-france.org/fr/page/admission-et-tests

[2] je cite ici le site rendant compte du travail de Sylvie Tordjman et de son équipe dont  parle Mme Pereira :http://cnahp-web.com/cnahp/spip.php?article10, ainsiq ue notre interview de Carlos Tinoco dans laquelle ce chercheur prend clairement position pour une forme de test alternative : http://www.planete-douance.com/douance/06/2014/carlos-tinoco-intelligence-inhibition-vs-potentiel-exprime/

[3] Comité d’Organisation : Sylvie TORDJMAN, Virginie PÉROUX, Nathalie MAILLARD, SERVICE HOSPITALO-UNIVERSITAIRE DE PSYCHIATRIE DE L’ENFANT DE L’ADOLESCENT, 154 Rue de Châtillon – 35200 RENNES

[4] http://www.planete-douance.com/specialistes/05/2014/mme-pereira-da-costa-enfants-haut-potentiel-intellectuellement-precoces/

[5] Olivier Revol  pour planète douance

http://www.planete-douance.com/specialistes/06/2014/olivier-revol-hyperactivite-haut-potentiel-donnes-scientifiques/:

 alors c’est une impression. C’est une très bonne question parce que c’est une impression clinique pour l’instant ou on voit, et on l’explique comme ça, la fulgurance de la réponse d’un enfant à haut potentiel. Et on voit bien qu’il ne prend pas le temps qu’un enfant standard utilise pour réfléchir, le temps de la réflexion, une réflexion analytique, où il pose les problèmes les uns après les autres pour arriver à cette conclusion, mais que sa réponse fuse, et qu’elle lui parait évidente. Finalement, ce que l’on décrit chez un haut potentiel d’un fonctionnement essentiellement intuitif, c’est-à-dire qu’il a l’intuition de la réponse sans pouvoir expliquer comment il l’a trouvée, à la différence de l’enfant standard qui a une réponse déductive, et qui fait cette déduction-là. Donc, on imagine que, sans doute, ce fonctionnement intuitif est lié à la sollicitation de plein d’aires corticales différentes en même temps, en s’appuyant sur des aires que n’utilisent pas les autres. C’est-à-dire ils utilisent beaucoup les aires associatives, visuelles, auditives, on leur pose une question, ils ont un souvenir, ils ont une image, parfois un souvenir auditif, olfactif, et que certainement l’arborescence de la pensée qui fait qu’ils allument, entre guillemets, plusieurs régions dans leur cerveau rendrait compte de ces réponses-là.

Mais il y a d’autres hypothèses aussi qui laisseraient entendre que peut-être que ce n’est pas ça, et que peut-être ils utilisent la bonne région, uniquement, sans arborescence, mais de façon beaucoup plus rapide et beaucoup plus, je dirais, en profondeur. Donc ce c’est que l’on attend de nos études, et une fois encore, vous l’avez compris, on fait preuve de beaucoup d’humilité, on ne va pas chercher quelque chose que l’on pense déjà connaitre, mais on pose des hypothèses, et peut-être que si vous m’interrogez dans un an, je vous dirais « et bien on s’était trompé, ce n’était pas une pensée en arborescence , mais on a quand même l’explication, pourquoi ils répondent si vite, si fort et si justement ».

[6] Voir l’interview de Cécile Bost :

http://www.planete-douance.com/specialistes/05/2014/cecile-bost-difference-souffrance-ladulte-surdoue/

[7] Sentir de la musique, voir une odeur, et même reconnaître une personnalité à un goût.

[8] Caractéristiques types d’un surdoué identifiées par Cécile Bost :

http://www.talentdifferent.com/q-i-or-not-q-i-l%E2%80%99identification-du-surdon-la-diversite-des-caracteristiques-des-personnes-a-haut-potentiel-hp-3-a-determiner-1656.html

–  Acquisition rapide du langage oral, accès spontané à la lecture
–  Grande curiosité ; un grand intérêt pour les livres
–  Pose beaucoup de questions, y compris des questions existentielles
–  Besoin de comprendre, recherche de précision, recherche de la maîtrise
–  Préférence pour la complexité ; peu d’intérêt pour les tâches simples, faciles et routinières
–  Ne pense pas comme les autres, modes de calcul et de raisonnement différents, stratégies mentales différentes
–  Une pensée riche en activant simultanément plusieurs canaux de réflexion, favorisant la créativité, l’imagination et la flexibilité mentale
–  Vitesse et efficacité de traitement de l’information supérieure à la norme
–  Forte capacité de mémorisation
–  Niveau élevé d’attention, bonne capacité de concentration
–  Forte capacité de généralisation et de transfert d’informations avec la mobilisation du raisonnement analogique permettant des mises en relation pertinentes
–  Un bon niveau de métacognition permettant de connaître ses capacités, ses faiblesses et d’effectuer une auto-régulation efficace des ses activités cognitives.

[9] http://www.planete-douance.com/specialistes/07/2014/fanny-nusbaum-profil-laminaire-profil-complexe-etude-clinique-irm/

[10] Voir également ce lien : http://www.talentdifferent.com/complexe-laminaire-3021.html.

[11] http://www.planete-douance.com/specialistes/07/2014/fanny-nusbaum-profil-laminaire-profil-complexe-etude-clinique-irm/, à 13 minutes 19, pour ceux qui ne evulent pas tout réécouter !

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