Planète-Douance

Pascal Defeuille nous parle du Que sais-je ? n° 3698 – Les enfants intellectuellement précoces

Celles et ceux qui suivent le blog (Les Tribulations d’un Petit Zèbre) sur FaceBook et Twitter le savent, j’ai lu samedi dernier avec un immense plaisir ce livre « « Que sais-je ? » n° 3698Les enfants intellectuellement précoces » signé du Dr Gabriel Wahl 😀

Pour tout vous dire amis lecteurs, j’avais l’intention de coupler ce billet avec une vidéo, mais le zébrillon ne pétant pas la forme ces temps-ci (il est très très seul au collège chaque jour et en souffre énormément ; l’épisode de l’éclipse n’ayant rien arrangé à son mal-être 🙁 ), j’ai eu d’autres priorités urgentes.
Aussi pour le moment je préfère donc ne poster que le billet classique (car en plus le livre sort aujourd’hui !), quitte à reporter à dans quelques jours une (éventuelle !) vidéo, qui elle me demande beaucoup plus de temps.

Je referme la parenthèse. Qui est l’auteur du livre ? :
Gabriel Wahl est pédopsychiatre et président de l’ARPE (l’Association de Recherche Pluridisciplinaire sur l’Échec scolaire).
Il succède au Dr Gérard Bléandonu qui avait écrit le précédent n°3698, à savoir le « « Que sais-je ? » Les enfants intellectuellement précoces » (que je n’avais que très modérément apprécié à l’époque).

Le sommaire :

Introduction

Chapitre 1 ‘ Historique. Une petite histoire de l’intelligence
I. Grèce, la loterie truquée de Platon
II. Chine, du lignage aristocratique au Beïjing Genomics Institute
III. France, du don de Dieu à l’école de la République
IV. États-Unis, de Thomas Jefferson à l’étude Terman
V. Allemagne, le programme national-socialiste
VI. Génie et folie

Chapitre 2 ‘ Les théories de l’intelligence
I. Les stades de l’intelligence, Jean Piaget et les néo-piagétiens
II. L’intelligence est une et indivisible, Charles Spearman et le facteur g
III. Les intelligences multiples, Louis Thurstone, John Caroll, Howard Gardner, Robert Sternberg,’

Chapitre 3 ‘ Les déterminants de l’intelligence
I. Deux études controversées sur l’intelligence
II. À la recherche des gènes de l’intelligence’
III. ‘ Et des gènes du surdon
IV. De l’inné et de l’acquis dans le développement de l’intelligence (essai de synthèse)

Chapitre 4 ‘ Les tests d’intelligence
I. Phrénologie et tests sensoriels
II. Alfred Binet, ou l’invention des tests modernes
III. William Stern et David Wechsler, du quotient intellectuel (QI) au rang percentile
IV. Construction et fiabilité des tests d’intelligence
V. Quotient intellectuel, quotient rationnel, quotient émotionnel et tests de créativité

Chapitre 5 ‘ Identification de la précocité intellectuelle
I. Précocité et dyssynchronies du développement
II. Identification clinique
III. Identification par les tests d’intelligence
IV. L’identification par les tests de créativité
V. Diagnostic différentiel

Chapitre 6 ‘ La personnalité des enfants précoces
I. Relativité d’un portrait-type
II. La curiosité intellectuelle
III. Hypersensibilité
IV. Sens de l’humour

Chapitre 7 ‘ Les risques de la précocité intellectuelle
I. La dépression
II. L’anxiété
III. L’hyperactivité ou le TDAH
IV. Les troubles du sommeil
V. Les dyssynchronies
VI. L’échec scolaire

Chapitre 8 ‘ Biologie de la précocité intellectuelle
I. Anatomie comparée
II. Développement cérébral
III. « Économie d’énergie »
IV. Latéralité hémisphérique
V. Rythme cérébral

Chapitre 9 ‘ Adaptations pédagogiques
I. Réticences idéologiques et libertés pédagogiques
II. Programmes pédagogiques : l’enrichissement, l’accélération, le saut de classe, les classes de niveau

Chapitre 10 ‘ Aux confins de la précocité intellectuelle
I. Mozart, la mémoire auditive d’un enfant prodige
II. Gustave Doré, la mémoire visuelle d’un enfant prodige
III. Les joueurs d’échec à l’aveugle
IV. Les calculateurs prodiges
V. Les calculateurs de calendrier

Conclusion
Bibliographie

Et donc, comme les abonnés et followers l’ont constaté en avant-première j’ai BEAUCOUP post-ité ce bouquin (bien plus qu’à l’accoutumée !) : j’ai apposé pas moins de 71 notes au fil de cette lecture 😉
Ce qui chez moi peut être signe que j’ai adoré, ou à l’inverse que j’ai été exaspérée par le livre en question. Mais vous l’aurez déjà compris en lisant les 1ères lignes du billet : dans le cas présent, c’est l’option 1 qui s’applique ^^

J’ai réellement trouvé ce livre fabuleusement bien écrit :))
Son auteur a, selon moi, parfaitement bien saisi tout ce que le surdouement englobe en terme de réalité, loin des clichés qu’il combat d’entrée de jeu mais aussi loin des idées reçues qui circulent dans le monde même la douance.

En parlant de l’intelligence, première page :

CITATION : Mais si on ne parvient pas à définir ce qu’elle est, on peut décrire ce qu’elle fait, on peut nommer ce qu’elle réalise.

Gabriel Wahl a une analyse extrêmement fine de la situation des enfants surdoués :

CITATION : La précocité intellectuelle est une chance, mais elle n’est pas sans risques. Elle peut notamment provoquer des tourments affectifs et des échecs scolaires. Pour comprendre et aider les enfants précoces, il n’est d’autre préalable que de les identifier comme tels. Pour ce faire, il importe de ne plus considérer les demandes de tests comme une fantaisie inspirée par l’élitisme d’un enseignant ou par la vanité des parents. Ce petit procès fait aux parents est pure spéculation ; il procède bien sûr de ce que l’on soupçonne tout parent d’un amour trop indulgent.

C’est un très beau passage qui m’a beaucoup émue car il expose les choses comme elles sont, avec leur lot de violence et de regards portés, le poids des préjugés, des jalousies.

L’auteur rappelle en outre que ces parents, sur qui l’on transpose tout un tas de mauvaises choses et que l’on s’empresse (toujours !) de juger, sont bien souvent inquiets pour leur EIP, & non dégoulinants de fierté.

Il souligne aussi combien les enseignants se trompent lorsqu’on leur demande d’identifier un enfant (T)HQI dans leur classe. Pas plus de 40% de réussite, « autrement formulé, à peine 1 enfant sur 2 identifié comme surdoué par un enseignant se révèle l’être après vérification par des tests », contre une identification parentale exacte à 80% !
Une raison supplémentaire de se faire confiance, en tant que parent, d’écouter son instinct ! 🙂

Petits passages savoureux sur, selon les mots de Gabriel Wahl, le « concurrent médiatique du QI » : le fameux (vous savez déjà ce que j’en pense…) QE (pour Quotient Émotionnel) 😉

CITATION : Le succès (médiatique) du QE tient probablement à ce qu’il égratigne la suprématie du QI et qu’il offre un espoir d’épanouissement individuel. Le QE est souvent présenté comme perfectible (apprendre à contrôler ses émotions), alors que le QI apparaît plus inexorable.

Passages passionnants sur l’éternel débat autour de l’inné et de l’acquis lorsqu’on parle QI, intelligence et surdouement… et mise au point rafraîchissante sur l’héritabilité de l’intelligence au fil de la vie, avec la nécessité de démêler dans cette thématique « les parts et les influences croisées des gènes et de l’environnement ».
Le livre aborde également la question de l’effet Flynn et de ses limites, comme il souligne l’impératif que le psychologue s’occupant de la passation, de l’analyse et des conclusions du bilan psychométrique soit un réel spécialiste :

CITATION : Il ne suffit pas de disposer d’un test « sensible, fidèle et valide », il faut aussi, pour la passation du test comme pour sa cotation, des psychologues rompus à cet usage.

S’en suit une très claire et convaincante explication des raisons pour lesquelles il faut véritablement choisir avec soin le professionnel qui testera son enfant ou qui vous testera.

Et quelques lignes superbes page 67 (je les ai annotées en écrivant un grand « merci !!! » sur mon petit post-it vert) sur l’identification à la va-vite, sans s’aider de tests comme sur la remise en question par des enseignants ou des conseillers d’orientation-psychologues de la douance. L’auteur rappelle que le surdouement n’est pas (forcément) la réussite scolaire et par conséquence, l’enfant (T)HPI n’est pas (forcément) celui qui sera 1er de la classe :

CITATION : Nos petits surdoués nous apprennent que le lien qui unit intelligence et réussite scolaire se noue et se dénoue dans la relation pédagogique.

Viennent alors des pages sur les tests, notamment de Wechsler (Wppsi, Wisc, Wais), puis sur les diagnostics différentiels par rapport au syndrome d’Asperger, au TDA/H.
L’occasion magnifique de rappeler, comme j’aime le faire que de nombreux enfants (T)HQI ont sans aucun doute des traits autistiques, mais seulement des traits… Comme certains enfants (T)HQI sont très bougillons sans du tout être TDA/H ! Certains cumulent les 2 (surdouement et SA, surdouement et TDA/H)… mais ils sont une minorité :-/

Le chapitre sur la personnalité des enfants précoces donne à Gabriel Wahl l’opportunité d’écrire des choses terriblement nécessaires et justes, telle que la relativité d’un portrait type de l’enfant HPI que certains voudraient faire passer. Il insiste sur l’importance de faire très attention à ce qu’il appelle les « affirmations aveugles » et j’applaudis intérieurement à la relecture de ce passage alors que je tape ces lignes 😀

Mais il se permet également d’écrire ce que peu d’auteurs osent encore faire de nos jours, où la tendance est presque à avoir honte d’arborer un très haut score. Il n’hésite pas à redire combien la différence peut être de taille entre un haut et un très haut quotient intellectuel et combien les conséquences peuvent, par ricochet, varier :

CITATION : Ainsi, la comparaison entre 2 enfants surdoués, l’un avec un QI de 130 et l’autre avec un QI de 160, risque de n’offrir que peu de points communs. Pour le premier, le pronostic scolaire et social est plutôt bon. Pour le second, les risques d’inadaptation sont plus élevés.

Gabriel Wahl aborde également l’hypersensibilité en prenant un chemin de traverse peu présent dans la littérature française, l’hyperstimulabilité ; et en proposant une appellation sur le même mode que le TDA/H, qui serait EIP/H (Enfant Intellectuellement Précoce, avec ou sans Hypersensibilité) !

A la manière des « Surdoués ordinaires » de Nicolas Gauvrit (par ici pour en lire ma critique), le chapitre sur les risques liés à la douance s’appuie sur nombre d’études pour venir contrecarrer des idées toutes faites (les surdoués sont plus dépressifs, plus anxieux, plus touchés par le TDA/H, plus sujets aux troubles du sommeil.
A noter un très beau passage sur les dyssynchronies, concept mis au point par le psychologue Jean-Charles Terrassier 🙂

Le chapitre suivant, biologie de la précocité intellectuelle, est un pur régal !!! (enfin, pour moi il l’a été LOL )
Il nous apprend notamment que les personnes à haut ou très haut QI auraient finalement une sorte de double hémisphère gauche :

CITATION : […] d’autres études ont montré que l’hémisphère droit des surdoués offre des capacités proches de celles de l’hémisphère gauche, on a retenu que les enfants intellectuellement précoces pourraient disposer de 2 hémisphères dévolus à la rationalité, au langage, au calcul, à la pensée analytique, tandis que le commun des « cérébrés » n’en possède qu’un.

Et puis, petit plaisir personnel, l’auteur égratigne le sociologue Wilfried Lignier (qui a publié il y a quelques années « La petite noblesse de l’intelligence : une sociologie des enfants surdoués » dont vous pourrez lire ma critique par-là) dans le chapitre sur les adaptations pédagogiques 😛

Gabriel Wahl ne manque pas d’humour quand il écrit dans sa conclusion, en référence à Freud et ses histoires de pulsions sublimées, détournées, etc. :

CITATION : Nous ne soutenons pas cette théorie, mais dans tout ouvrage de psychologie, il est d’usage de citer Freud au moins une fois.

Un bien beau « Que sais-je » donc qui sort aujourd’hui aux éditons PUF, absolument indispensable à toute personne intéressée par la question du surdouement chez les petits comme chez les grands 😀
Pour moi un immense coup de cœur envers ce que je considère être un must-have (qui ne coûte, en plus que 9 euros).