Sa devise « Your I CAN is more important than your IQ » Sophie Prignon a accepté de répondre à nos questions, voici son interview.
Sophie Prignon, quelle a été votre formation et votre approche, qui vous faite vous sentir apte à coacher un surdoué ?
Plusieurs éléments me font me sentir apte à coacher des surdoués/HP/zèbres.
Tout d’abord et de façon générale, j’ai toujours apprécié encourager les personnes qui m’entourent dans leurs projets, dans leurs rêves et ce dès le plus jeune âge. Depuis très jeune, j’ai tendance à vouloir comprendre l’autre et à chercher le bon en lui. Ensuite, j’aime le voir et le sentir s’épanouir, faire ce qu’il aime.
Le métier de coach est par conséquent et tout d’abord une passion ! Une passion passionnante car notamment, elle nous oblige à poser des questions fondamentales: que signifie se réaliser, comment trouver un sens à sa vie, qu’est-ce que le bonheur, le bonheur est-il une illusion, quels choix vais-je faire etc? Dans le cadre de cette passion j’entame par conséquent une recherche approfondie sur ces questions en collaboration avec mes clients mais aussi dans le cadre de ma vie personnelle, ce qui est très stimulant. Il n’est pas rare que je demande à mes clients de réaliser une réflexion écrite sur ces sujets.
Cette passion repose notamment sur une formation de coach dans un Institut réputé internationalement. Par ailleurs, je suis régulièrement supervisée par un coach canadien Ed Britton, expert en leadership. De l’autre côté de l’Atlantique, le coaching est déjà très développé. Être supervisé est fondamental pour un coach, il faut en effet régulièrement se remettre en question. Être coach nécessite un travail sur soi. Le coaching a, je pense, une grande dimension interrelationnelle. Un coach ne peut pas être bon s’il ne transmet pas une énergie positive, si lui-même n’a pas trouvé une certaine stabilité. Ensuite toutes les semaines, nous nous réunissons deux coachs et moi pour nous débriffer.
On peut bien sûr être à haut potentiel et ne pas être un bon coach pour les surdoués. Ce n’est par conséquent pas ce qui fera de moi une personne particulièrement apte.
Par ailleurs, la découverte de ma douance à l’âge de 20 ans m’a amenée à m’intéresser au sujet. C’est à bout, profondément déprimée, perdue dans mes choix de vie (je suivais à ce moment des études de droit), confrontée à mes résultats universitaires médiocres, désabusée face à l’enseignement dans lequel j’avais tant misé, emplie d’un ennui constant et de pensées très sombres que j’ai décidé d’aller consulter une psychologue. La découverte de ma douance m’a progressivement fait de l’effet. Cela a quelque part stabilisé, apaisé quelque chose en moi et une énergie nouvelle s’est développée.
J’ai à ce moment commencé le violon. Très rapidement je réalisais plus de 5 heures d’entrainement par jour en plus de mes études. Après trois ans, je jouais le concerto pour violon de Mendelssohn (en mi mineur op.64). J’ai également pu, grâce à cette pratique assidue, finaliser mes études. Mes pensées sombres s’étaient calmées. Je m’épanouissais. Le violon m’avait sauvée ! Était-ce vraiment le violon,… ou n’était pas plutôt le goût du challenge retrouvé, une sensibilité enfin bien canalisée ET utile, une réponse à ma soif d’apprendre, une nécessaire rapidité d’exécution, la rencontre avec des personnes d’une grande sensibilité?
Je crois dans la possibilité des surdoués de se sentir adapté dans ce monde, je crois dans la possibilité des personnes à haut potentiel de se sentir heureux, de vivre profondément des moments de joies, de paix. Je milite pour que la surdouance ne soit pas synonyme de souffrances. Nous avons des capacités énormes de perception. Nous sommes par conséquent aptes à vivre des moments de bonheur de façon très intense.
Au quotidien je ne cesse de chercher, d’affiner mes techniques de coaching pour les surdoués. Ce travail repose sur des recherches scientifiques en matière de douance sur le processus motivationnel chez l’adulte et l’adolescent surdoués, en matière de pensée positive et de psychologie positive. Je vous tiendrai bien sûr au courant de l’évolution de mes recherches.
Sophie Prignon, quelles sont les raisons, qui font qu’un surdoué à besoin d’un coach ?
Un surdoué peut avoir besoin d’un coach comme toute autre personne, lorsqu’il nécessite d’un soutien, de quelqu’un qui croit en lui, d’une clarification de ses choix de vie.
Plus spécifiquement, je vois trois autres situations dans lesquelles un surdoué peut exprimer le besoin d’avoir un coach. Je pense qu’une fois le diagnostic posé, nous sommes relativement livrés à nous-mêmes. Nous nous posons encore tellement de questions ! Ensuite, les barreaux d’une cage se sont dissouts, les ailes veulent se déployer mais pour aller dans quelle direction ? Par où commencer ? Faire le tri dans son entourage, changer de vie professionnelle, reprendre sa santé en main, refaire du sport, travailler sur sa confiance en soi, rencontrer des HP, se lancer un challenge, changer d’études…? C’est assez déroutant et un gros programme. C’est en cela que je jouerai le rôle de catalyseur et de soutien, dans les premiers mois qui suivent la découverte du diagnostic.
Faire appel à un coach à ce moment, peut aussi donner un nouveau souffle à la vie d’un surdoué. En effet je ne suis ni psychologue ni psychiatre. L’approche est à ce moment très différente de ce qu’ont pu connaître beaucoup de surdoués, qui ont eu un parcours semé de professionnels et de diagnostics parfois plus lourds les uns que les autres pour enfin trouver la réponse. C’est une façon, je pense, de marquer une nouvelle étape dans leur vie : la douance n’est pas un problème, ma personnalité n’est pas un problème, c’est un atout et je vais pouvoir faire beaucoup de choses grâce à cette dernière. Passons à l’action !
Par ailleurs, certains HP ont parfois du mal à croire à leur douance. Par des actions progressives, je les soutiens dans la découverte d’eux-mêmes et de leur magnifique potentiel. Ce potentiel est parfois trop lourd à porter dans l’immédiat, lorsqu’ils ont été habitués à se rabaisser/s’adapter. Ensemble nous mettons en place pas à pas, des petits challenges. Petit-à-petit la réalisation encourageante de ces derniers, poussent mes clients à y croire réellement. Je ne les accompagne que pour une courte durée. Ce sera le parcours d’une vie et je leur en donne l’impulsion.
Nombreuses sont les personnes qui avant de se faire diagnostiquer par un psychologue/psychiatre spécialisé hésitent beaucoup. « La démarche ne risque-t-elle pas d’être la preuve d’un égo démesuré ? Et si le diagnostic m’informe du contraire ? Et si finalement j’étais totalement bête et fou ? Qu’en pensera le psychologue et les autres? Quelle honte… Ce ne peut pas être cela, je me sens trop bête ». Parler à un coach qui a de l’expérience dans le domaine et ce dans le cadre d’une conversation décontractée, peut être rassurant pour ces personnes. Cela peut être également le déclencheur pour se faire diagnostiquer et avoir enfin une réponse à leur sentiment de différence.
Pouvez-vous nous expliquer, quelles sont les différences d’approches que vous auriez entre coacher un surdoué, et une personne qui ne l’est pas ?
J’ai eu le plaisir et la chance de tout d’abord coacher des personnes qui n’étaient pas à haut potentiel. C’est ainsi que par la suite, j’ai notamment pu constater de façon plus accrue les différences de stratégies en termes de coaching. Il y en a beaucoup ! Mais je peux par exemple vous citer les suivantes :
De fait lorsque je coache un surdoué, le nombre d’objectifs que j’autorise mon client à se fixer est plus élevé. La rapidité d’exécution étant élevée, les objectifs sont plus vite atteints et nous pouvons rapidement passer à autre chose.
Par contre, une attention toute particulière de ma part sera portée sur le juste équilibre. Beaucoup de mes clients viennent chez moi avec cette soif d’action, cet optimisme qui les amène à se fixer une pléthore d’objectifs à la fois ce qui peut finalement aboutir à l’absence totale de réalisation.
Par ailleurs, le sport est essentiel notamment et tout spécialement pour un surdoué. Je n’insisterai pas suffisamment là-dessus. Les HP ont souvent tendance à sous-estimer l’importance de leur corps. Ils sont dans l’intellect. Même si l’objectif premier de la personne HP qui vient me voir n’est pas de mettre un programme de sport, je l’inclus automatiquement dans le coaching qui le concerne. Ce ne doit pas être du sport intensif, de la marche ou du yoga suffisent. L’ennui s’installe souvent rapidement. Nous mettons alors en place des stratégies sur du long terme : apprendre l’allemand durant le jogging, lire un livre pendant le fitness, varier les sports régulièrement (une séance de tennis, une de yoga etc…), écouter des audio books de philosophie, se féliciter, célébrer le respect du programme, prévoir des moments de répit, pratiquer le sport en groupes, se fixer un objectif de poids en parallèle, porter attention à la nature sont de profonds stimulants.
Je suis particulièrement vigilante à recentrer mes clients. Le mode de pensée qui nous caractérise nous amène à aborder de multiples sujets ayant tous des liens entre eux mais qui peuvent nous amener à nous perdre dans la réflexion alors qu’avec le coaching, il s’agit avant tout de passer à l’action.
De votre point de vue, quel sont les problèmes récurrents que rencontre actuellement les surdoués ?
Je pense qu’à notre époque, pas mal d’expériences peuvent s’avérer difficiles pour le surdoué : l’enseignement de masse et inadapté, la pensée de masse, la matérialisation accrue de notre société de masse, le poids massif de l’apparence, la jalousie, le goût pour l’uniformisation de masse… Le surdoué doit trouver sa place dans une société qui n’est pas des plus sages, des plus réfléchies. Tout est dans l’immédiat, l’apparence, beaucoup dans le superficiel. Mais il y a derrière cette façade des exceptions, des personnes en retrait et posées qui analysent. C’est à ce niveau qu’il est important qu’il y ait une rencontre.
Par ailleurs, les surdoués sont confrontés à l’heure actuelle à ce courant positif de sensibilisation de leurs potentielles souffrances : de nombreux ouvrages décrivent les difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés, des associations ou des groupes de partage sont créés. Mais je pense qu’il en résulte une image assez sinistre de ce qu’ils sont. Cette image les devance même parfois. Il n’y a pas à l’heure actuelle, de courant en Europe qui mette en avant ce qu’ils ont de plus fort en eux, de plus beaux, de plus extraordinaire. C’est à cela que je veux travailler, en parallèle avec les magnifiques démarches menées par des associations ou bénévoles auprès des autorités.
Que pensez-vous des tests de QI actuels, faut-il se fier uniquement aux tests de QI dans l’évaluation d’un HP ?
Les tests de QI posent problème et pourtant ils ont pu être à la source de changements fulgurants dans la vie d’une personne (qu’elle ait été diagnostiquée sur ou sous-efficiente, ou « normale »). Je pense qu’il est important d’approfondir, de même réexaminer nos connaissances de l’intelligence et de la possibilité de la mesurer. Il s’agit d’utiliser les tests de QI avec précaution et discernement. Ce serait malheureux de constater que ce soient finalement les tests qui décident de ce que nous concevons comme étant l’intelligence et non l’inverse. Voici mon postulat. Beaucoup de questions et de réflexions restent par ailleurs ouvertes. Elles ne remettent pas fondamentalement, je vous rassure, le test de QI en question.
En tant que coach, je me pose la question de savoir si une personne présentant une sensibilité au stress très importante, un manque de confiance en soi profond peut réussir les tests de QI. Je parle uniquement en termes d’efficacité. Je suis parfois étonnée de lire les descriptions psychologiques des surdoués telles qu’elles apparaissent dans les ouvrages courants et l’imposition finale et absolue du test de QI comme référence par leurs auteurs eux-mêmes. Voici ce que je relève notamment dans ces ouvrages: manque profond de confiance en soi, se sous-estiment, processus de désidentification, syndrome de l’imposteur, très grande sensibilité, parfois TDA(H) ou troubles de l’apprentissage, importance du rapport avec autrui dans la réalisation de ses performances. Je pense qu’il s’agit là d’une liste de facteurs qui potentiellement peuvent atteindre l’efficacité d’une personne (enfant ou adulte). Quid de la reconnaissance de son influence sur le résultat du test ? Les psychologues/psychiatres ne se sont pas encore mis d’accord sur ce point. Restons attentifs.
Merci Sophie Prignon !
Merci à vous, et à planète douance !