Les troubles cognitifs qu’ils soient développementaux ou acquis entrainent d’importantes répercussions tant dans la vie scolaire que dans le quotidien des enfants concernés. Ces difficultés ont également des conséquences sur leur devenir, générant parfois des scolarités adaptées ou aménagées. Pour certains de ces troubles, des professionnels de la rééducation sont identifiés tant par les autres cliniciens que par les familles. C’est le cas, par exemple, des orthophonistes qui traitent habituellement les enfants dyslexiques ou dysphasiques ou encore des ergothérapeutes et psychomotriciens intervenant auprès des jeunes dyspraxiques. La prise en charge neuropsychologique développée initialement pour l’adulte cérébro-lésé connaît actuellement un essor majeur en pédiatrie. L’approche pluridisciplinaire, combinant les apports des différents professionnels, serait (sera) une chance supplémentaire pour les enfants.
L’objectif de ce numéro publié par la revue A.N.A.E. est non seulement d’aider à repérer le champ des possibles offert par la rééducation neuropsychologique mais, également, de modérer cet engouement incitant à croire que tout ce qui est proposé ou commercialisé est efficace, promettant, en conséquence, un avenir serein pour cette pratique en général, quelles qu’en soient les formes..
Il serait en effet démagogue, et tous les auteurs de ce dossier l’ont signalé, de faire croire que la rééducation neuropsychologique est la solution à tout. Plusieurs raisons justifient cette prudence.
La première est que si l’on voit apparaître de nombreuses techniques ou programmes de rééducation, tout ce qui est proposé n’a pas forcément été scientifiquement validé. Ce premier point sera abordé dans plusieurs articles de ce numéro.
Le second point – qui sera également traité – concerne la réceptivité des enfants à la rééducation. : en effet, certains enfants pris en rééducation neuropsychologique ne progresseront pas. Il est important de connaître et reconnaître les limites de cette pratique, ce qui permettra justement de renforcer son crédit s’agissant des enfants auxquels elle s’adresse.
Le troisième point limitant le développement de la rééducation neuropsychologique est la formation des professionnels. Le nombre de professionnels formés et donc compétents pour utiliser ces outils est faible. Il ne suffit pas d’utiliser un outil pour revendiquer la pratique générale de la rééducation neuropsychologique. En France, il existe malheureusement encore trop peu de formations initiales et continues sur cette thématique qui devrait permettre à un plus grand nombre de professionnels de proposer aux enfants la prise en charge la plus adéquate.
Dans ce but, il est important que le professionnel sache exactement ce qu’il rééduque et comment. Il peut paraître anodin de le spécifier mais on l’observe couramment de grandes lacunes dans ce champ : il n’est malheureusement pas rare de voir des rééducations entreprises sans support théorique sous-jacent, voire même sans évaluation cognitive préalable constituant la ligne de base. L’utilisation de tel ou tel outil doit être justifiée par la présence de troubles cognitifs rééduqués par cet outil, et non par le fait que cet outil a été développé pour rééduquer telle ou telle pathologie en particulier. On voit par exemple fleurir les outils de rééducation du TDA/H. Or, tous les enfants atteints par ce type de trouble neurodéveloppemental ne présentent pas exactement le même profil cognitif : ils ne doivent donc pas être rééduqués de la même façon. La prise en charge neuropsychologique doit s’adapter à chacun. Cet ensemble de considérations renvoie au fait qu’une rééducation efficace doit être nécessairement précédée d’une évaluation neuropsychologique fine et détaillée mettant en évidence un – ou des – trouble(s) cognitif(s). C’est une condition sine qua non à la mise en œuvre d’une rééducation neuropsychologique.
Si les conditions favorables sont rassemblées, alors la rééducation neuropsychologique peut offrir un complément essentiel dans la prise en charge des troubles cognitifs chez l’enfant. Nous ne mesurons pas toute l’étendue du potentiel de cette approche, certains domaines de la cognition n’en étant encore qu’aux balbutiements. Le constat est, toutefois, prometteur. C’est en tout cas ce que les articles publiés dans le présent numéro d’A.N.A.E. tenteront de montrer. Nous espérons qu’au travers de ce corpus les auteurs apporteront des éléments de compréhension et permettront de mieux définir la légitimité de la rééducation neuropsychologique.
L’ensemble de ce numéro repose, donc, sur des constats et des réflexions à propos des pratiques existant à ce jour. Des apports théoriques et cliniques constitueront le lit de ces articles écrits par des cliniciens et des chercheurs. Cette dualité contribuera à sa richesse. Nous avons fait le choix de certaines rééducations et il est évident que nous ne traiterons pas tous les troubles neurodéveloppementaux. Notre objectif principal, à travers ce dossier, était de mettre en lumière les possibilités qu’offre la rééducation neuropsychologique. Les professionnels concernés auront maintenant à développer sur une plus large échelle cette pratique innovante et prometteuse.
Ce numéro d’A.NA.E. vous offrira des éclaircissements sur ces nombreuses questions d’ordre théorique et clinique et contribuera à développer encore plus, encore mieux, la rééducation neuropsychologique en pédiatrie.
Vous souhaitant une bonne lecture.
Gérald BUSSY et Charlotte SEGUIN
EDITORIAL
Nos recherches sont-elles fiables ? E. Gentaz
AU SOMMAIRE DE CE DOSSIER
· Optimisation et rééducation de la mémoire de travail : une synthèse critique S. Majerus
· Évaluation de la prise en charge rééducative des fonctions exécutives chez l’enfant : l’inhibition dans les troubles neurodéveloppementaux C. Seguin & A. Roy
· Rééducation des fonctions exécutives chez l’enfant A. Krasny-PAcini, J. Limond & M. Chevignard
· Prise en charge neuropsychologique des troubles attentionnels sans hyperactivité chez l’enfant (TDA) : à propos de deux cas H. Turine & L. Rousselle
· Remédiation neuropsychologique de la MDT chez l’enfant TDAH : étude de cas clinique C. Thévenon
· Rééducation des troubles neurovisuels S. Chokron
· Rééducation neuropsychologique dans le champ de la déficience intellectuelle : possibilité et limites G. Bussy, B. de Freminville & R. Touraine
· Remédiation cognitive en psychiatrie de l’enfant C. Rigard, E. Peyroux, A. Morel & C. Demily
· Où en est-on dans l’accompagnement des enfants avec autisme ? états des lieux des théories et interventions en neuropsychologie A. Rey, C. Exbrayat & V. Rousselon
Varia
La fonction patrimoniale du langage comme entraînement de la langue orale à l’école V. Rey , Ch. Romain & M. Jallet
Testons les tests
La WPPSI-IV : nouvel outil d’exploration psychologique destiné aux jeunes enfants C. Meljac, F. Siegenthaler & C. Bernardeau
N° 140 – TDAH qu’en est-il en 2016 ? par Francine Lussier, Cenop, Québec
N° 141 – La Rééducation Neuropsychologique dans les troubles du neurodéveloppement ou des troubles cognitifs chez l’enfant
Numéro Coordonné par G. Bussy, PhD, CHU Saint Etienne, Fondation OVE & C. Seguin, Neuropsychologue, Unité de recherche clinique, Hôpital Nord Ouest
N° 142 – Les approches oculométriques en psychologie du développement et dans les troubles neuro développementaux Coordonné par Carole Tardif et Edouard Gentaz
N° 143 – Plasticité Cérébrale et apprentissages (à confirmer)
N° 144 – Habiletés parentales Coordonné par Céline Clément
N° 145 – Epilepsie et troubles des apprentissages Coordonné par le Pr Stéphane Auvin, Paris-Diderot University, Child Neurology Department & INSERM U1141, DHU Protect Robert