Risque de troubles neuro-développementaux chez les enfants exposés in utero à certains antidépresseurs
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) sont indiqués dans la prise en charge des épisodes dépressifs majeurs et, pour certains, dans le traitement des troubles anxieux. Plusieurs études épidémiologiques sur le risque de troubles neuro-développementaux chez l’enfant exposé in utero à ces médicaments sont publiées dans la littérature scientifique. Si toutes ne montrent pas de lien, certaines études font cependant apparaître un risque qui doit être pris en compte. Aussi ces résultats conduisent l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à informer les prescripteurs de la nécessité de faire preuve de précaution dans l’utilisation de ces médicaments chez la femme enceinte. L’Agence maintient par ailleurs une surveillance renforcée sur les risques liés à l’exposition à ces médicaments pendant la grossesse.
Antidépresseurs ISRS et IRSN
La classe des ISRS comprend la paroxétine (Deroxat et génériques), la fluoxétine (Prozac et génériques), la sertraline (Zoloft et génériques), le citalopram (Seropram et génériques), l’escitalopram (Seroplex et génériques) et la fluvoxamine (Floxyfral et génériques).
Celle des IRSN comprend la venlafaxine (Effexor et génériques), la duloxétine (Cymbalta et génériques), la mirtazapine (Norset et génériques) et le milnacipran (Ixel et génériques).
Ils sont indiqués notamment dans la prise en charge des épisodes dépressifs majeurs (c’est-à-dire caractérisés) et, pour certains d’entre eux, dans le traitement des troubles anxieux : troubles obsessionnels compulsifs (TOC), trouble panique, anxiété sociale, anxiété généralisée ou état de stress post-traumatique.
Risque potentiel de troubles neurodéveloppementaux[1] – Revue des données disponibles à ce jour
Certaines données épidémiologiques récentes suggèrent une augmentation du risque de troubles du spectre de l’autisme chez des enfants exposés à ces antidépresseurs pendant la grossesse. Cependant d’autres études ne mettent pas en évidence une augmentation de ce risque. Ainsi, à ce jour, les études ne permettent donc pas d’exclure une association entre l’utilisation de ces médicaments pendant la grossesse et l’apparition de tels troubles.
Dans ce contexte, à la demande de la France, le PRAC[2] a engagé fin 2015 une revue des données disponibles concernant le risque de troubles neuro-développementaux, et notamment du spectre de l’autisme, chez les enfants exposés in utero à un ISRS ou à un IRSN. L’ANSM maintient donc une surveillance renforcée de ce risque et la faisabilité d’études supplémentaires est explorée par l’Agence européenne du médicament (EMA).
Rappel des risques déjà connus liés à l’utilisation de ces médicaments pendant la grossesse
Des données épidémiologiques ont décrit que l’utilisation des ISRS pendant la grossesse, en particulier au troisième trimestre, pourrait augmenter le risque d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) du nouveau-né[3] . De par leur mécanisme d’action, ce risque ne peut pas être exclu pour les IRSN.
Un risque de syndrome sérotoninergique ou de syndrome de sevrage[4] peut également survenir chez le nouveau-né.
Une augmentation du risque de malformations cardiovasculaires[5] (communication interventriculaire et interauriculaire) a été identifiée chez le nouveau-né exposé à la paroxétine ou à la fluoxétine.
Quelles recommandations d’utilisation de ces antidépresseurs (ISRS et IRSN) lors de la grossesse au regard de ces données ?
Les conditions d’utilisation de ces antidépresseurs pendant la grossesse ne sont pas modifiées : ils ne doivent être utilisés pendant la grossesse que s’ils sont strictement nécessaires. Un traitement non médicamenteux (psychothérapie) doit être privilégié, s’il peut être mis en place de manière efficace et continue.
Il est également rappelé que les patientes ne doivent pas interrompre leur traitement sans avis médical et que tout arrêt brutal doit être évité du fait du risque de syndrome de sevrage.
Les informations doivent être partagées avec les patientes au moment de la prescription ou de la délivrance de ces médicaments.
Les résumés des caractéristiques des produits (RCP) et les notices de ces médicaments peuvent être consultés sur la base de données publique des médicaments.
D’une façon générale, l’ANSM rappelle la nécessité de réévaluer tout traitement médicamenteux lorsqu’une femme envisage une grossesse ainsi que tout au long de la grossesse.
L’ANSM rappelle que les professionnels de santé doivent déclarer immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament dont ils ont connaissance au Centre régional de Pharmacovigilance (CRPV) dont ils dépendent géographiquement . Les patients et les associations agréées de patients peuvent également signaler tout effet indésirable à leur centre régional de pharmacovigilance. Pour plus d’information : Déclarer un effet indésirable |
[1] Notamment troubles du spectre de l’autisme, troubles moteurs et troubles du comportement
[2] Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne du médicament (EMA)
[3] Le risque observé est d’environ 5 cas pour 1 000 grossesses. Dans la population générale, le risque d’HTAP est de 1 à 2 cas pour 1 000 grossesses. Ce risque ne peut être exclu pour les IRSN.
[4] Caractérisés par un ensemble de symptômes tels que détresse respiratoire, apnée, cyanose, vomissements, troubles du tonus, convulsions.
[5] Les données suggèrent un risque de malformations cardiovasculaires inférieur à 2 %, le taux attendu dans la population générale étant de 1 % environ.