Beaucoup se plaignent de cette pensée incessante. En ce qui me concerne, je n’ai découvert que très tardivement ce « concept », qui est une réalité très mal expliquée, et encore moins bien comprise.
À un moment de ma vie, j’ai pris conscience, que j’étais le siège de cette pensée incessante, qui courait sans interruption dans ma tête.
Je me suis demandé, il y a quelques années, pourquoi je n’ai pas eu à en souffrir ! À cette question, il n’y a pas de réponse simple, mais une série de facteurs qui font que je n’ai pas eu à m’en plaindre.
Tout d’abord, comme je l’ai précisé plus haut, ce concept m’était étranger jusqu’à quelques années en arrière. Il en résulte que je ne me suis pas focalisé sur ce mécanisme, comme c’est le cas de beaucoup de gens quand, pour faire un parallèle osé, au détour d’un problème de peau, ils s’aperçoivent qu’ils ont un bouton rouge en plein milieu du nez. Mon attention ne s’étant pas focalisée dessus, je n’ai pas connu l’amplification de ce phénomène, au point de le vivre comme un véritable handicap, un cauchemar de tous les instants.
J’ai aussi eu de la chance (si j’admets que la chance existe). Tout au long de mon enfance, et ce jusqu’à un âge avancé dans l’adolescence, j’ai été la «victime» à moitié consciente de cette pensée incessante. Mais, je ne l’ai jamais vraiment vu comme un handicap, je n’ai jamais imaginé que ça puisse être le cas en fin de compte, et pourtant, elle l’était dans une certaine mesure, dans mes relations aux autres.
Cette pensée incessante m’empêchait de communiquer, comme le faisaient la plupart des ados que je côtoyais. J’étais en permanence en train de l’écouter, silencieusement dans ma tête, courir en long et en large, comme un « Jiminy Cricket », sans cesse en train de voler d’un sujet à l’autre, rebondissant d’idée en idée, d’analyse de perceptions en analyse de commentaires.
« Il ne parle jamais » entendais-je dire autour de moi ! Parfois un « Il est complètement débile… » Ben non, parler, je n’en avais pas le temps, c’était tellement plus passionnant dans ma tête… Jusqu’au jour où je me suis rendu compte, que ce n’était pas possible et convenable de fonctionner comme ça. Pourquoi ? Parce que je n’arrivais pas à aboutir assez rapidement, aux réponses à toutes ces questions que je me posais sans cesse. Alors j’ai décidé de modifier mon fonctionnement.
J’avais lu, dans certains livres (rares à l’époque) qui parlaient de bouddhisme, que la détente était la meilleure des attitudes dans la vie. Mais pas n’importe quelle détente, celle de l’organe qui nous sert à réfléchir. D’autres informations que j’avais récoltées, qui soulignaient qu’il est impossible de détendre directement un cerveau, mais soulignaient également, que toute détente des muscles entourant la boite crânienne, permettait de parvenir par effet d’induction, à une certaine détente des processus cognitifs.
Ce fut le résultat que j’obtins, après quelques tentatives, où je m’exerçais à relaxer les muscles entourant mon crane et à relaxer mon cou. La pensée avait disparu… Tout du moins autant que je parvenais à maintenir cette relaxation. Quelque temps plus tard, je maitrisais parfaitement cet état d’être musculaire, au point que c’était devenu une habitude de vie, ma tête droite sans forcer dans le prolongement du cou, dans un état de relâchement musculaire crânien quasi total. Plus de tension dans le cou, aucune migraine. Bonus non attendu, au fil du temps, je me rendis compte que ma pensée incessante n’avait pas disparue…
Elle s’était recentrée là où elle devait naturellement être, en « fond de tâche », elle ne « polluait » plus ma sphère consciente. J’avais gardé les bénéfices de ces analyses incessantes, sur tous les sujets qui faisaient sens pour moi, sans en être la « victime impuissante », soumise à sa présence de tous les instants. Cette pensée, désormais silencieuse, travaillait encore pour moi, mais se contentait maintenant de me fournir uniquement les résultats, dans des « fulgurances » qui sautaient à ma conscience, comme jailli de nulle part. Un vrai bonheur en somme.
Plus tard, quand j’en compris tout le bénéfice, je l’utilisais d’une manière encore plus programmé. Lorsque j’avais le besoin de trouver réponse à un questionnement, je m’adressais à cette partie de moi-même, en la questionnant d’une façon simple et concise, en lui demandant de récolter sans m’en faire part, tous les facteurs d’informations qui contribueraient à la réponse que je désirais avoir. Et ça marchait… Invariablement, au bout d’un temps plus ou moins long, la réponse venait à moi, sans que je n’aie eu à faire d’effort conscient de cognition.
Aujourd’hui j’en joue! Il m’arrive de délocaliser ce processus quand je le désire. Je suis en quelque sorte le spectateur de ce mécanisme, dont je prends bien garde à ne pas le laisser m’envahir, pour ne pas obscurcir ma présence au monde qui m’entoure.
Je suis à l’écoute de moi-même sans en être l’acteur, un peu (même beaucoup tout compte fait), comme si cette pensée n’était en aucun cas ce que je suis, mais juste un processus automatique et totalement naturel, d’une machine qui travaille pour moi, sans me gêner le moins du monde, puisque je sais qu’à tout moment, je peux jeter un voile de silence sur cette fonction, si utile à la compréhension de mon environnement et de moi-même.
Silence ! Moteur ! « Ça tourne ».
Pour conclure, la pensée incessante n’est un fardeau, que si nous ne sommes pas capables d’en maitriser le fonctionnement. Cette maitrise a un effet insoupçonné, cet effet est le silence qui s’établit dans le mental, ce qui apporte un bénéfice encore moins attendu, celui d’être encore plus réceptif à notre environnement, et par là même, recueillir encore plus d’informations, qui n’auraient pu être perçues sous d’autres conditions.
DP