Le gouvernement vient de faire adopter deux réformes relatives aux écoles indépendantes (c’est-à-dire privées hors contrat) qui réduisent drastiquement d’une part la liberté de création, et d’autre part la liberté pédagogique de ces écoles en plein essor. Ces réformes ont été adoptées à la hâte et dans des conditions antidémocratiques (consultations menées en dépit du bon sens de la profession, recours à une ordonnance législative, absence d’études d’impacts) et malgré l’opposition unanime de la profession et des acteurs institutionnels concernés.
I/ Par l’article 14 déciès de la Loi Liberté et Citoyenneté, le gouvernement s’est fait missionner par le Parlement pour préparer dans les six mois une ordonnance législative qui soumettra l’ouverture d’un établissement scolaire privé à un régime d’autorisation de l’Etat alors que cette liberté était régie jusqu’à présent par un régime de déclaration, comme c’est par exemple le cas pour les créations d’associations.
Se sont opposés publiquement à une telle réforme de la liberté d’enseignement (qui est de rang constitutionnel) la quasi unanimité des acteurs concernés, y compris l’Enseignement catholique. Durant les débats parlementaires, des députés de la majorité gouvernementale se sont élevés contre cette réforme gouvernementale. L’Association des Maires de France a également publié un communiqué précisant qu’elle était opposée à un passage à régime d’autorisation.
En vertu de l’article 61-2 de la Constitution, cet article a été déféré fin décembre au Conseil Constitutionnel pour contrôle de Constitutionnalité par un groupe de plus de soixante sénateurs, dans le cadre de la saisine relative à la Loi Liberté et Citoyenneté. Il en a été fait de même par l’Assemblée nationale.
II/ Par le décret n°2016-1452 du 28 octobre 2016 relatif au contrôle de l’instruction dans la famille ou des établissements d’enseignement privés hors contrat, publié au Journal officiel le 30 octobre 2016, entre en vigueur un nouvel article R. 131-13 du Code de l’éducation. En faisant des objectif de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité « obligatoire » un référentiel pour le contrôle des établissements privés hors contrat, cet article pourrait contraindre les écoles de manière détournée à appliquer les programmes de l’Education nationale.
En d’autres termes, le contrôle de l’acquisition des connaissances par les élèves des écoles indépendantes sera désormais réalisé par référence aux cycles et programmes de l’Education nationale, auxquels, pourtant, ces établissements d’enseignement privé qui ne reçoivent aucun financement public ne sont précisément pas soumis. On voit mal le sens d’une telle réforme.
La liberté des programmes étant avec la liberté de recrutement du corps professoral la raison d’être même des écoles indépendantes, la mise en œuvre de cette réforme serait une autre atteinte grave portée à la liberté de l’enseignement.
La Fondation pour l’école a déposé le 30 décembre dernier un recours pour excès de pouvoir contre ce décret, aux côtés de très nombreuses parties (15).
Les requérants sont :
* Les syndicats représentatifs de la profession :
La Fédération nationale de l’Enseignement privé (FNEP), le Syndicat national des personnels de l’enseignement et de la formation privés (SNPEFP C.G.T), le Syndicat national de l’enseignement privé laïc C.F.T.C, la Fédération nationale de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle (FNEC FP – FO), le Syndicat national de l’enseignement privé – SYNEP CFE CGC,
* Un échantillon d’écoles hors contrat :
La Maison des enfants (école Montessori de Montreuil), Montetibou (école Montessori de Nancy), le Cours Saint-Exupéry (école Espérance banlieues d’Asnières), l’école Living School (école éco-citoyenne de Paris 19ème), l’école Saint- Joseph l’Espérance de Vernon (école de confession catholique),
* Des réseaux complets d’écoles alternatives :
La Fédération des écoles Steiner-Waldorf, l’association Eudec France (réseau des écoles démocratiques)
* L’association de parents d’élèves des écoles hors contrat : La FPEEI
* L’association de soutien juridique et pratique du secteur hors-contrat : L’association Créer son école
* Une association au service de renouveau éducatif : L’association Printemps de l’Education
S’il n’est pas possible de se prononcer sur les chances de succès du recours, on peut d’ores et déjà noter que l’ampleur et la variété de la coalition constituée pour défendre la liberté d’enseignement constitue à elle seule une réalisation positive significative, annonciatrice de futures victoires.
Fondation pour l’école
La Fondation pour l’école, fondation reconnue d’utilité publique fondée en 2008 et habilitée à héberger des fondations sous égide, a pour but de soutenir la rénovation du système éducatif français à travers le développement d’établissements scolaires indépendants et financièrement accessibles qui, dans le respect des principes de la Fondation et grâce à un niveau de transparence élevé, mettent leurs expériences innovantes à la disposition et au service de tous.
Pour en savoir plus : www.fondationpourlecole.org