Planète-Douance

Le Haut Potentiel Intellectuel. Mise au point

Vol 30 – Tome III – année 2018

Dossier coordonné par Léonard Vannetzel (A.N.A.E. Formations) et Nicolas Gauvrit (Laboratoire Cognitions Humaine et Artificielle, École Pratique des Hautes Études)

Malgré les biais méthodologiques régulièrement soulignés dans le champ de la recherche sur le haut potentiel, les études scientifiques et cliniques ont montré, de manière consensuelle, que l’intelligence très développée :

– constitue une ressource tant pour le développement personnel que la vie scolaire, professionnelle, psychologique ou sociale dès lors que les capacités de l’enfant sont prises en compte et soutenues dans un environnement adapté,

– ne « vaccine » pas pour autant contre d’éventuels problèmes psychologiques, sociaux, scolaires ou autres,

– ne constitue ni une pathologie ni une cause de difficulté en soi.

Ce numéro d’A.N.A.E. comprend des contributions de chercheurs et de praticiens (C. Bert, K. Terriot, G. Labouret, J. Grégoire, C. Brasseur, F. Ramus, F. Guénolé, J.-M. Baleyte, M. Speranza, M. Liratni, N. Gauvrit, A. Guez, P. Santinelli, L. Vannetzel). Il a pour objectif de d’informer sur plusieurs problématiques qu’il nous a paru indispensable d’examiner pour éclairer les débats actuels sur le haut potentiel intellectuel :

• Que nous apprend l’histoire des surdoués depuis le début du 20e siècle jusqu’à nos jours ?

• Que sait-on sur l’hétérogénéité intra-individuelle dans l’étude des profils cognitifs des personnes HPI ?

• Cette variabilité intra-individuelle renvoie-t-elle à des difficultés, à des spécificités ou à des troubles ?

• De quels principes psychométriques fondamentaux faut-il tenir compte pour ne pas traduire ces données quantitatives de manière réductrice ou erronée ?

• Le cerveau des HPI est-il quantitativement ou qualitativement différent de celui des non-HPI ? Fonctionne-t-il de manière spécifique ? Peut-on parler d’un « cerveau HPI » ?

• L’hyperémotivité et l’hypersensibilité s’observent-elles davantage chez les enfants avec HPI que dans une population dont les résultats aux examens spécialisés demeurent dans la moyenne de la courbe de Gauss ?

• L’enfant à HPI est-il plus exposé que les autres en termes de santé mentale et de psychopathologie (troubles cognitifs, TDAH, troubles psychologiques ou psychiatriques) ?

• Sur les questions de la réussite scolaire et de la vie professionnelles, quel est l’état des connaissances ?

Le périmètre couvert par les différentes contributions est loin d’être exhaustif. Nous espérons toutefois qu’il permettra au lecteur, chercheur, praticien ou usager de trouver des pistes de réponses à certaines questions actuelles ou, pour le moins, de nouvelles interrogations.

En France, jusqu’au début des années 80, les ouvrages et publications scientifiques sur les surdoués – appellation consacrée à l’époque – étaient quasiment inexistants, tout comme les réflexions sur les mesures pédagogiques et les politiques publiques à l’égard des enfants concernés. L’institution scolaire française s’y opposa même. Contrairement à ce qui existait dans d’autres pays, elle craignait – peut-être à tort – le célèbre effet Mathieu, bien connu en psychologie sociale, consistant à enrichir les plus riches et à creuser les inégalités.

C’est dans ce contexte peu propice à la prise en compte des différences et des spécificités que les années 80 et 90 ont été marquées, en France, par la naissance et le développement de mouvements de reconnaissance de cette population d’enfants. Il s’agissait, alors, d’obtenir, à l’instar de ce qui existe dans d’autres pays, des mesures permettant aux potentiels de s’exprimer pleinement et, autant que possible, d’éviter que les atouts ne soient gâchés par un système pédagogique qui refusait de les valoriser.

Dès lors, en France, la précocité intellectuelle n’a plus été mise en avant comme une richesse mais a progressivement été associée – dans les médias notamment – à des difficultés, des troubles, des pathologies, des spécificités plus ou moins handicapantes.

Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, on assiste à une multiplication des sources, ouvrages, articles de presse, sites internet, etc., à destination du grand public, diffusant des informations de niveaux très hétérogènes, souvent non vérifiées scientifiquement ou tout simplement erronées, allant parfois même à l’exact opposé des faits établis en sciences depuis des décennies et répliqués dans de nombreux laboratoires internationaux.

Un tel usage de la notion de haut potentiel risque d’avoir pour conséquences :

– d’engendrer l’effet inverse de celui recherché – en diffusant des approximations ou des informations erronées – la problématique du HPI est susceptible d’attirer la défiance, notamment des institutions et des pouvoirs publics, voire, de n’être plus prise au sérieux,

– de stimuler des actions éducatives ou pédagogiques non appropriées car fondées sur des bases erronées,

– de desservir la cause des personnes concernées, à savoir, les enfants et les familles d’enfants dits à haut potentiel,

– enfin, d’attirer, de manière illusoire, vers ce concept prometteur, de nombreux enfants en difficultés psychologiques, sociales ou scolaires pour lesquels la question du HPI n’est pas pertinente.

Il faut le dire et le répéter : le haut potentiel n’immunise pas contre les difficultés scolaires, psychologiques, professionnelles, relationnelles, etc. De même, il est possible de présenter un trouble durable dans les apprentissages et, concomitamment, un haut potentiel intellectuel. L’un n’exclut pas l’autre ; ils ne corrèlent pas pour autant. Et avant de considérer le HPI comme un facteur de risque – ou pire, une cause de trouble – il faut tenir compte d’une marge qui doit être évaluée avec rigueur, tant au moyen des études scientifiques existant que des observations pratiques-cliniques qui peuvent être recueillies.

Ceci étant dit, qu’on les nomme surdoués, précoces, HPI, hauts talents ou autres appellations, nous pensons que les enfants concernés peuvent – et peut-être doivent – faire l’objet, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays, de mesures et programmes éducatifs spécifiques à condition que l’état des connaissances scientifiques internationales, y compris françaises bien sûr, soit pris en compte de manière rigoureuse, systématique et qu’il intègre, avec nuances et subtilité, les spécificités de chaque situation, de chaque enfant sur le terrain. En dernier lieu une question peut-être à méditer: est-on HPI ou présente-t-on un haut potentiel ?

Léonard Vannetzel

(A.N.A.E. Formations)

Nicolas Gauvrit

(Laboratoire Cognitions Humaine et Artificielle,

École Pratique des Hautes Études)

Éditorial – La compréhension de la cognition est-elle davantage scientifique avec des données neuronales qu’avec des données comportementales ?             E. GENTAZ

DOSSIER

Avant-propos – Le haut potentiel intellectuel – Mise au point L. VANNETZEL & N. GAUVRIT

Enfants surdoués : historique  C. BERT

De la définition théorique du haut potentiel aux conséquences pratiques  K. TERRIOT

La dispersion intra-individuelle et le profil des scores dans les QI élevés  G. LABOURET & J. GREGOIRE

Les surdoués ont-ils un cerveau qualitativement différent ?   F. RAMUS

Les jeunes à haut potentiel sont-ils hyperémotifs ?  C. BRASSEUR & J. GREGOIRE

La santé mentale des enfants et adolescents surdoués : synthèse des données quantitatives  F. GUENOLE, J.M. BALEYTE & M. SPERANZA

Haut potentiel et psychopathologies : positions réconciliatrices et pistes thérapeutiques  M. LIRATNI

Réussite scolaire et professionnelle des personnes à haut potentiel intellectuel  N. GAUVRIT & A. GUEZ

Etude intercantonale sur la satisfaction scolaire et personnelle des élèves à haut potentiel intellectuel  P. SANTILLI

Synthèse du livre de S. Brasseur et C. Cuche : Le haut potentiel en questions   L. VANNETZEL

Conclusion N. GAUVRIT & L. VANNETZEL

VARIA

Quels sont les bénéfices académiques, cognitifs, socio-émotionnels et psychologiques des interventions basées sur la pleine conscience en milieu scolaire ?

Une synthèse des 39 études quantitatives publiées entre 2005 et 2017  A. THEUREL, F. GIMBERT & E. GENTAZ

Nouvelle Rubrique interactive sur notre site www.anae-revue.com

ANALYSE CRITIQUE

Débat sur l’apprentissage de la lecture et son enseignement : Quels sont les liens entre décodage et compréhension écrite en fin de CP ? L. SPRENGER-CHAROLLES, E. GENTAZ

À propos de l’article Les facteurs explicatifs des performances en lecture-compréhension en fin de CP, GOIGOUX, CEBE & PIRONOM, Revue française de pédagogie, 196, 2016 (paru en mai 2018)