Les enfants porteurs de troubles DYS pourront-ils bien bénéficier du forfait de dépistage précoce en 2019 ?
Fédération Française des Dys (dyslexie, dysphasie, dyspraxie…)
Les enfants porteurs de troubles DYS pourront-ils bien bénéficier du forfait de dépistage précoce en 2019 ?
Mardi 20 novembre 2018Les troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA), communément appelés « troubles DYS », sont des troubles du neurodéveloppement.
Les troubles DYS concernent 4 à 5 millions de français, soit environ 80 000 enfants de plus chaque année. La précocité de leur prise en charge est essentielle car déterminante pour améliorer et/ou compenser les fonctions déficientes et éviter les sur-handicaps, subis souvent à vie, dans tous les domaines : illettrisme, échec scolaire, orientation professionnelle par défaut, exclusion sociale…
C’est pour cela que toutes les autorités scientifiques recommandent un dépistage précoce à l’âge adapté à celui de la révélation de ces troubles qui, pour ces enfants, est de 0 à 9 ans.
En France, en janvier 2018² la Haute Autorité de Santé (HAS) a rappelé que « les troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA) dits « troubles DYS» constituent une priorité de santé publique » et que « si leur prise en charge s’est améliorée depuis 15 ans, des progrès sont à réaliser concernant notamment la mise en place effective d’un parcours de santé coordonné, fluide et centré sur les besoins de l’enfant ».
L’article 40 du PLFSS 2019 en cours de discussion parlementaire prévoit le financement du parcours de bilan et intervention précoce.
En séance à l’Assemblée nationale, Madame Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé a affirmé que « l’article 40 vise les troubles du neuro-développement. Or, la définition de l’Organisation mondiale de la santé est claire : ceux-ci comprennent les troubles DYS ». Elle a confirmé ce qui est une évidence scientifique le 16 novembre au Sénat.
Concernant la nécessité d’avoir des réponses spécifiques et au-delà de 6 ans (« avant et pendant la scolarité »), la Ministre a, en réponse au Sénateur qui l’interrogeait sur les bornes de cet accès à une prise en charge précoce du dépistage, précisé que « les troubles DYS sont bien concernés et chaque trouble sera traité en fonction de sa spécificité ».
La clarté de cet engagement pris devant la représentation nationale a semblé au Sénateur suffisante pour qu’il puisse retirer son amendement sans crainte de voir les enfants DYS exclus de l’accès au dispositif créé par l’article 40.
Concernant les recommandations de la Haute Autorité de la Santé (HAS) relatives aux troubles DYS, la Ministre a affirmé que « quant à l’inclusion dans la loi des bonnes pratiques de la HAS. Ce qui compte, c’est qu’elles soient appliquées ».
Les propos tenus par la Ministre des solidarités et de la santé valant évidemment engagements du gouvernement, la FFDYS considère que les demandes qu’elle a toujours portées pour les enfants DYS, dans le respect le plus strict des recommandations de janvier 2018 de la HAS et conformément à l’avis de son comité scientifique, ne pourront être remises en cause par les textes d’application de ce nouveau droit, soit, pour ces enfants :
- un âge de dépistage « précoce » de 0 à 9 ans pour les enfants DYS;
- l’accessibilité des structures pluridisciplinaires référencées DYS aux aides créées ;
- l’inclusion des interventions en libéral des professionnels de santé et des psychologues spécialisés en neuropsychologie dans les parcours ouvrant droit à prise en charge.
Si tel ne devait pas être le cas, ce qu’elle se refuse, à ce stade et compte tenu des engagements précités, à envisager, au nom des 80 000 enfants supplémentaires concernés chaque année et de leurs familles, la Fédération Française des DYS en tirerait alors toutes les conséquences.
A propos des troubles DYS – Les troubles des apprentissages, souvent appelés « troubles Dys » sont des troubles cognitifs spécifiques qui affectent le langage oral (dysphasies) le langage écrit (dyslexies) la coordination du geste et les troubles visio–spatiaux (dyspraxies/TDC) ou encore de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
A propos de la FFDYS – La FFDYS regroupe 7 associations nationales et leurs 150 antennes sur toute la France, dédiées aux troubles spécifiques du langage et des apprentissages, en particulier la dyslexie, la dysphasie, la dyspraxie.
La FFDYS est membre du Comité d’Entente des Associations Représentatives de Personnes Handicapées et de Parents d’Enfants Handicapés, siège au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH), au conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), au conseil national des Troubles du Spectre Autistique (TSA) et des troubles du neurodéveloppement (TND), et membre de l’European Dyslexia Association (40 organisations dans 24 pays en Europe).
Composée de bénévoles, la FFDYS agit depuis près de 20 ans pour faire connaître et reconnaître les troubles DYS, avec pour objectif d’améliorer la prise en charge et l’insertion scolaire et professionnelle des enfants et adultes. Appuyée par un comité scientifique composé de chercheurs, de praticiens et d’experts de l’Éducation et de la Santé, la Fédération est l’interlocuteur reconnu par les pouvoirs publics, qui a permis d’importantes avancées pour la reconnaissance et la prise en charge des troubles cognitifs.
Annexe – Avis du comité scientifique de la FFDYS
Forfait précoce – Article 40 Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale 2019
Le comité scientifique de la Fédération Française des Dys (FFDYS) a examiné les propositions concernant le « forfait précoce » dans le cadre de la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement (TND). Le comité remarque une contradiction fondamentale entre :
1- l’objectif légitime de vouloir traiter l’ensemble des TND au sein d’une même stratégie nationale, en utilisant des structures et des ressources communes,
2- la limitation du forfait précoce à la tranche d’âge 0-6 ans.
En effet, la majorité des enfants avec TND ne peuvent être repérés et diagnostiqués qu’après leur entrée à l’école élémentaire, généralement entre 7 et 9 ans. Pour rappeler quelques éléments scientifiques, les troubles neurodéveloppementaux (TND) sont un ensemble beaucoup plus vaste que les troubles du spectre de l’autisme (TSA).
Alors que ces derniers représentent 1% de la population, ils ne sont qu’une fraction des TND, qui incluent également : la déficience intellectuelle (1%), les troubles de la coordination motrice (dyspraxie : 5%), les troubles du langage et de la communication (2% incluant la dysphasie), le TDAH (5%), les troubles spécifiques des apprentissages (5-15% incluant dyslexie, dysorthographie, dyscalculie) (prévalences issues du DSM5). Une étude récente de l’équipe de Franck Ramus confirme que la seule dyslexie a en France une prévalence de 5 à 6%. Même en tenant compte des comorbidités, les TND représentent donc au bas mot 10% de la population française, et, ainsi, les troubles spécifiques des apprentissages scolaires constituent la majorité des TND.
Or ce sont justement ceux qui ne peuvent pas être diagnostiqués avant 6 ans, puisqu’ils ne se manifestent qu’à partir de l’école élémentaire. D’autres troubles DYS, comme la dyspraxie, peuvent se manifester avant 6 ans, mais, dans bien des cas, tous les éléments diagnostiqués ne peuvent être réunis qu’après ce seuil. De plus, ces enfants avec troubles DYS ont tout autant besoin que ceux avec TSA de prestations paramédicales actuellement non remboursées (bilan psychométrique et neuropsychologique, psychomotricité, ergothérapie…). Ils ont donc tout autant besoin que les TSA du forfait précoce.
Par conséquent, un plan pour les TND dont un dispositif s’arrêterait à 6 ans exclurait la majorité des enfants avec TND. Il apparait nécessaire à ce stade, compte tenu des données scientifiques, de se poser la question de la place des DYS dans cette stratégie.
De très nombreuses familles comptent sur la FFDYS. Elles ne comprendraient pas que la Fédération s’engage dans cette voix où une majorité d’enfants resteront sur le bord de la route. Nous sommes aujourd’hui placés devant une proposition contradictoire ; il vous revient de nous aider à résoudre cette question :
– Soit, le dispositif couvre réellement les besoins de tous les enfants avec TND, auquel cas le forfait précoce doit être ouvert sur la tranche d’âge pertinente pour le diagnostic précoce de chaque type de TND, y compris les troubles DYS. Cela implique que le forfait précoce s’applique de 0 à 9 ans.
Si ce deuxième choix était maintenu, il reviendrait à dire que cette stratégie renonce explicitement à se réclamer de l’ensemble des TND.