Hier, dans le cadre de l’Emission politique sur France 2, le Ministre de l’Education nationale – cf vidéo – a donné crédit à son interlocutrice qui prétendait qu’ « il est plus facile d’ouvrir une école qu’un kebab ou un lavomatique ».
La Fondation pour l’école, fondation reconnue d’utilité publique qui travaille depuis 10 ans à l’amélioration de l’efficacité et de la justice du système éducatif français par le développement de la liberté scolaire, entend réagir fermement à ces affirmations, parce qu’elles sont erronées.
1- M. le Ministre J. M. Blanquer, meilleur ministre de l’Education nationale depuis bien longtemps, annonce son intention d’accomplir des réformes allant dans le bon sens (dictée, autonomie des établissements, 4 opérations, méthodes syllabique, uniforme, portable, autorité, innovation, évaluation…). La Fondation pour l’école salue ces déclarations d’intentions, et souhaite que le Ministre parvienne à les mettre effectivement en œuvre. Le Ministre aborde les problèmes avec pragmatisme et finesse, sans œillère idéologique. Mais sur la question des écoles hors contrat, J. M. Blanquer est manifestement mal informé pour avoir répondu comme il l’a fait. Il suffit de se reporter, en fin de ce communiqué, à la synthèse du régime d’ouverture des classes hors contrat pour s’en persuader.
2- Il faut nommer les choses par leur nom. Ce sont des écoles pouvant être instrumentalisées au profit du terrorisme, dont notre société doit absolument se prémunir. Alors c’est ce problème qu’il faut traiter avec courage, sans étouffer la liberté scolaire de l’ensemble des écoles hors contrat, confessionnelles ou laïques, légalement déclarées et inspectées, qui sont en plein essor, parce qu’elles répondent au besoin d’alternative pédagogique et d’innovation que ressentent les familles et la société civile en général. 84% des créations d’école hors contrat sont non confessionnelles. La plupart sont des écoles Montessori ou écocitoyennes. Les écoles musulmanes régulièrement déclarées représentent moins de 0,5% de l’ensemble (sources : www.ecoles-libres.fr). S’il y a des risques d’endoctrinement islamiste, ils se trouvent dans les structures périscolaires (cours de soutien, clubs de sport…), pas dans le cadre très encadré des écoles hors contrat légalement déclarées. Il ne faut pas que le Ministre se trompe de combat. La liberté d’enseignement est constitutionnelle. C’est en référence à cette liberté ainsi que celle d’association que le Conseil constitutionnel avait invalidé une précédente réforme législative du régime de création d’école qu’avait voulu Mme Najat Vallaud-Belkacem il y a un an.
La liberté d’ouvrir des classes ou des écoles libres de leur pédagogie est indispensable à la liberté de la société et à la réforme de notre école publique.
3- La Fondation pour l’école prend au sérieux la menace terroriste, et n’a certainement pas l’intention de servir de cheval de Troie à des gens qui n’auraient pas le souci des enfants mais de l’extrémisme religieux. Elle a d’ailleurs proposé aux autorités publiques des modalités efficaces de renforcer le contrôle pour prévenir tout risque, même si à ce jour, il faut bien le dire, la totalité des terroristes sont passés par les bancs de l’école publique. Elle attend donc que l’Education nationale déploie l’essentiel de ses efforts de contrôle, là où réside l’essentiel du risque.
4- Enfin, rappelons que le contrat n’est légalement accessible qu’au bout de 5 ans, ce qui veut dire que toute création d’école privée passe nécessairement par la procédure dont on parle. Il en va de même pour tout changement de directeur ou de locaux d’une école privée déjà ouverte. En touchant au régime de création des classes hors contrat, c’est l’avenir de l’ensemble des écoles privées, ouvertes ou à venir, que l’on menace. Il faut noter aussi que la plupart des ministres, de gauche comme de droite, placent leurs enfants dans ces écoles privées, en particulier catholiques. Preuve qu’elles ne sont pas sans qualité !
5- La solution pour prémunir nos enfants de tout endoctrinement extrémiste n’est pas de rendre plus difficiles les ouvertures d’écoles libres (sinon il y aura de plus en plus de formes clandestines de scolarisation, sur lequel aucun contrôle n’aura lieu, ce qui sera une régression de l’Etat de droit). La solution est que les corps de contrôle (et pas uniquement l’Education nationale, mais aussi le Ministère de l’Intérieur fort de toute sa compétence en matière d’antiterrorisme) aient le courage d’inspecter effectivement les structures pouvant poser problème, qu’elles soient déclarées sous le statut d’école ou sous une autre forme non scolaire, et que les décisions de justice soient effectivement exécutées. L’affaire de l’école toulousaine Al Badr, condamnée par la justice à fermer mais toujours ouverte à ce jour parce que les pouvoirs publics n’ont pas exécuté la décision de justice, en est la parfaite illustration.
Voici une synthèse du cadre juridique strict régissant les ouvertures de classes hors contrat:
La possibilité de créer une école hors contrat découle directement de la liberté d’enseignement, qui est une liberté constitutionnelle encadrée par la loi, la jurisprudence constitutionnelle et administrative. La circulaire n° 2015-115 du 17 juillet 2015 détaille exhaustivement la totalité des régimes d’ouverture et de contrôle des écoles hors contrat.
La personne qui veut ouvrir une école privée doit préalablement déclarer son intention et non son ouverture (art. L 441-1 code de l’éducation). C’est donc un projet qui est soumis à l’Administration, laquelle n’est pas mise devant le fait accompli. L’Administration est constituée en l’espèce de quatre autorités de contrôle : Maire, autorité académique, procureur et préfet qui peuvent bloquer son ouverture en s’y opposant. Nombreux sont donc les interlocuteurs qui disposent en amont d’un droit de regard et d’opposition sur le projet d’école.
Le Maire d’abord, qui reçoit la déclaration d’intention pour tout projet d’établissement scolaire du premier degré, dispose d’un délai de 8 jours pour s’opposer à l’ouverture s’il juge que les locaux ne sont pas convenables pour des raisons tirées des bonnes mœurs et de l’hygiène. Il doit par ailleurs afficher en Mairie cette déclaration durant un mois, afin de transmettre l’information sur ce projet à toute personne intéressée. Un contrôle par les services de renseignement sur les porteurs de projet est généralement diligenté à ce moment -là.
Le candidat à l’ouverture doit ensuite adresser copie de sa déclaration d’intention à l’autorité académique. Il doit y joindre un dossier complet comportant de nombreuses informations sur son parcours tant personnel que professionnel et sur son école. Le dossier doit comporter impérativement : son acte de naissance, ses diplômes, l’extrait de son casier judiciaire, l’indication des lieux où il a résidé et des professions qu’il a exercées pendant les dix années précédentes, le plan des locaux affectés à l’établissement et, s’il appartient à une association, une copie des statuts de cette association.
En outre, pour un établissement du second degré, la personne qui déclare son intention d’ouvrir un collège ou un lycée d’enseignement général doit justifier durant cinq ans au moins avoir exercé les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement d’enseignement du second degré.
Tant que le dossier du demandeur ne contient pas l’ensemble des pièces demandées (article R. 441‑1 du code de l’éducation) aucun récépissé ne peut être délivré. Les délais pour faire opposition ne courent donc pas.
Le candidat à l’ouverture doit également adresser copie de sa déclaration d’intention d’ouverture au préfet et au procureur de la République. Cette dernière déclaration génère très souvent une enquête de police sur la personne du futur directeur (qui est alors convoqué au commissariat).
Une fois que le dossier de projet d’école est considéré comme complet par l’académie, le procureur et le préfet ces trois administrations délivrent alors au demandeur un récépissé. Après quoi, elles disposent d’un délai d’un mois pour examiner le dossier d’ouverture et s’y opposer. Les motifs pour faire opposition sont ceux de l’intérêt des bonnes mœurs et de l’hygiène.
Dès lors qu’une opposition a été faite, l’établissement ne peut pas ouvrir. Si l’établissement ouvre alors qu’une opposition a été notifiée au demandeur, le juge pénal est compétent (v. l’article 111‑5 du code pénal).
Pour mémoire, l’établissement scolaire en tant qu’établissement recevant du public (ERP) peut par ailleurs donner lieu à d’autres contrôles. Le maire dispose de compétences en matière de police, d’urbanisme, ou de sécurité des établissements recevant du public qui peuvent lui permettre de s’opposer à l’ouverture d’un établissement, sans se fonder sur le code de l’éducation. Il en va de même pour le préfet et le procureur de la République, qui, de plus, ont des compétences en matière de maintien et de respect de l’ordre public.
Une fois ouvert, l’établissement scolaire fait l’objet d’autant de contrôles que l’administration le souhaite.
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